Aventures aux Mascareignes :
Voyages et aventures de François Leguat et de ses compagnons
en deux îles désertes des Indes orientales, 1707
/ François Leguat ; introduction et notes de Jean-Michel
Racault ; suivi de Recueil de quelques mémoires
servant d'instruction pour l'établissement de l'île
d'Eden, par Henri Duquesne (1689). - Paris : La Découverte,
1984. - 243 p.-[8] p. de pl. ; 22 cm.
ISBN 2-7071-1483-9
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JEAN-MICHEL RACAULT : […]
C'est [douze ans avant la parution
de Robinson Crusoe], en octobre 1707 1, qu'est
publié simultanément chez Jean-Louis Delorme, à
Amsterdam, et chez David Mortier, à Londres, l'ouvrage
intitulé Voyages et aventures de François Leguat
et de ses compagnons en deux îles désertes des Indes
orientales. Avec la relation des choses les plus remarquables
qu'ils ont observées dans l'île Maurice, à Batavia,
au cap de Bonne-Espérance, dans l'île de Sainte-Hélène
et en d'autres endroits de leur route. Une traduction anglaise
paraît à peu près simultanément,
suivie peu de temps après de versions hollandaises (1708)
et allemandes (1709) dont une, en 1723, sous le titre significatif
de Der Französische Robinson. En France, le livre
connaîtra une carrière plus qu'honorable pour ce genre
de production : on dénombre, jusqu'au milieu du XVIIIe
siècle, quatre nouvelles éditions au moins, en
1711, 1720, 1721, 1750.
Roman ou histoire vraie ?
Le débat aujourd'hui est toujours ouvert, bien que tous
les éléments nécessaires pour le résoudre
soient depuis longtemps disponibles. Mais peut-être les
deux termes en présence ne sont-ils pas réellement
contradictoires. Le récit de Leguat est à la fois
un excellent roman, probablement le meilleur exemple de « roman
de l'île déserte » avant Defoe, et, on
peut en apporter la preuve, le compte rendu somme toute parfaitement
véridique d'une expérience réellement vécue.
[…]
☐ Introduction, pp. 5-6
1. | L'édition est postdatée
(1708), comme c'était l'usage pour les ouvrages parus
au cours du dernier trimestre de l'année. |
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« Roman ou histoire
vraie ? » — Les premiers lecteurs 1
ont douté de la véracité du récit
de François Leguat au point que, jusqu'à une date
récente, les critiques l'ont rangé dans la catégorie
des voyages fabuleux, à côté des œuvres
de Gabriel de Foigny ou de Simon Tyssot
de Patot. En 1922, Geoffroy Atkinson accréditait encore
cette opinion dans son ouvrage « The extraordinary
voyage in French literature from 1700 to 1720 », et
c'est en 1979 seulement qu'Alfred North-Coombes put établir
formellement la vérité en publiant « The vindication of François
Leguat ».
La méprise, et une méprise
si durable, éclaire l'étroite parenté entre
utopie rêvée et utopie vécue, ainsi que la
faiblesse des moyens permettant de distinguer l'une de l'autre.
Il est vrai que, comme nombre de Français auteurs d'utopies
avérées, François Leguat était protestant,
contraint à se réfugier en Hollande ou en Grande-Bretagne
et, de ce fait, habile à brouiller les pistes …
Resterait à déterminer
ce qui, parmi les aléas de destins individuels proches,
pousse les uns à écrire des récits utopiques,
comme Denis Veiras, autre huguenot réfugié en Angleterre
puis en Hollande, auteur de « L'histoire
des Sévarambes » (1675), et les autres,
plus rares, à s'embarquer vers des îles lointaines.
Plus parfumée la trace laissée par ces derniers
n'est-elle pas plus prenante, partant plus durable ? C'est
ce que laisse penser cette note de lecture de Chateaubriand 2 :
« Dans ces premières années de la retraite de
Rancé, on entendit peu parler du monastère, mais
petit à petit sa renommée se répandit. On
s'aperçut qu'il venait des parfums d'une terre
inconnue ; on se tournait, pour les respirer, vers les
régions de cette Arabie heureuse. Attiré par les
effluences célestes, on en remonta le cours : l'île
de Cuba se décèle par l'odeur des vanilliers sur la
côte des Florides. Nous
étions, dit Leguat, en présence de l'île
d'Éden : l'air était rempli d'une odeur charmante
qui venait de l'île et s'exhalait des citronniers et des
orangers [NdA : Voyages et aventures de François
Leguat, p. 48, tome Ier.] »
1. | En 1761, l'abbé Pingré
débarque à Rodrigue pour y observer le transit
de Vénus ; il a lu le récit de Leguat et s'y
réfère à plusieurs reprises : « Cet
ouvrage passe pour un tissu de fables ; j'en ai trouvé
beaucoup moins que je ne m'y attendais ». — « Voyage à Rodrigue »,
Paris : Le Publieur (Bibliothèque universitaire &
francophone), 2004 (p. 152). | 2. | « Vie de Rancé », Livre second. |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « Voyages et aventures
de François Leguat et de ses compagnons en deux isles
désertes des Indes orientales […] »,
Amsterdam : chez Jean-Louis de Lorme, 1708
- Nicolas Cavaillès, « Vie de monsieur Leguat », Paris : Ed. du Sonneur, 2013
- Alfred North-Coombes, « The vindication of François
Leguat », Port-Louis (Maurice) : Sté
de l'histoire de l'île Maurice, 1979 ; Éd.
de l'océan Indien, 1991
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mise-à-jour : 4 octobre 2013 |

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