William Leblanc

Souvenirs d'un vieux Normand, récit de ma vie d'aventures et de navigation

Au Vent des Îles - Bibliothèque océanienne

Papeete
, 2006

bibliothèque insulaire

   
édité à Tahiti

livres sur les Marquises

parutions 2006

Souvenirs d'un vieux Normand : récit de ma vie d'aventures et de navigation / William Leblanc ; préface de Jean-Jo Scemla. - Papeete : Au Vent des îles, 2006. - 274 p. ; 25 cm. - (Bibliothèque océanienne).
ISBN 2-915654-06-9

L'histoire prend son essor chez Maupassant, rebondit à Lima en proie à une révolution qui fait penser à La Périchole, plonge au cœur du Pacifique sur l'île de Nuku Hiva et s'achève sur un aller et retour entre Panama et Rouen ; les nombreux coups de théâtre qui ponctuent les parcours croisés des deux principaux protagonistes semblent s'inscrire dans la tradition des romans-feuilletons en vogue au XIXe siècle.

Dans sa « Bibliographie de Tahiti et de la Polynésie française » 1, le père O'Reilly parle d'une « curieuse et intéressante autobiographie » ; évoquant les six mois passés par l'auteur à Nuku Hiva, il précise : « vivante description de l'île, de son séjour, des mœurs des habitants par un homme qui connaît la langue et s'est intéressé à la vie des indigènes ». Dans son « Anthologie du voyage en Polynésie » 2, Jean-Jo Scemla à qui l'on doit la présente réédition, notait pour sa part : « Les Souvenirs d'un Vieux Normand peuvent être considérés comme l'un des meilleurs témoignages sur l'Océanie, même s'il plane un doute sur l'ensemble du récit et sur la personnalité de son auteur (…). Ecrits comme une fiction (…), ils racontent les aventures de W. Leblanc mais aussi celles (…) d'Adolphe Bénard, alias Manou-Tavayé 3, le grand chef des Atitoka à Nuku Hiva ».

Il s'agit bien à l'évidence d'un témoignage de première main sur les îles Marquises au milieu du XIXe siècle, très précisément à l'époque où la France prend possession de l'archipel. William Leblanc, ayant obtenu des autorités militaires une autorisation provisoire de s'établir dans l'île comme colon, a vécu six mois au contact étroit de la population ; il a fait l'effort d'apprendre la langue et, en esprit curieux, a tenté de comprendre des pratiques et des usages qu'il décrit sans préjugés excessifs : combats opposant les différents clans de l'île, tatouage, préparation et consommation du kava, … Sur ces questions il est intéressant de mettre ce récit original en parallèle avec les ouvrages plus connus, et strictement contemporains, de Max Radiguet et d'Herman Melville (cf. ci-dessous, « complément bibliographique »).

Enfin, le livre de William Leblanc propose un regard critique sur la colonisation à l'œuvre ; donnant la parole à l'énigmatique Manou-Tavayé, l'auteur exprime une vision utopisante et apaisée de l'avenir de l'île : « je vis ici au sein de la plus parfaite tranquillité, j'évite les guerres entre les tribus, je sers de médiateur dans les cas litigieux et je n'éprouve jamais de difficultés à maintenir la paix » mais, ajoute Manou-Tavayé, « les Français sont arrivés ici et sont devenus un obstacle à mes projets, en accoutumant les Canaques à boire de l'eau-de-vie (…). Cette affreuse coutume ramènera assurément la discorde et rendra les naturels turbulents, méchants même, et je n'ose plus croire à cet avenir que je me promettais si doux et si serein ».

Ayant quitté Nuku Hiva, l'auteur reprend à son propre compte l'inquiétude prêtée à Manou-Tavayé et en étend la portée à l'ensemble de la Polynésie : « Pauvre peuple, malheureuses victimes de l'ambition des Blancs, que ton sort est à plaindre ! (…) C'est pour t'apprendre ce qu'est la civilisation que l'on brûle tes cases si gracieusement construites, que la hache des envahisseurs abat à coups redoublés tes belles plantations d'orangers, d'arbres à pain et de cocotiers, sous lesquelles, jadis, tu goûtais le vrai bonheur et célébrais tes fêtes. Maintenant, pour toi, plus de fêtes, mais l'obéissance à la force dont on abuse pour transformer les heureux en opprimés ! »
       
1. Paris : Société des Océanistes (Publications, 14), 1967 (notice 1051, p. 133)
2. Paris : Robert Laffont (Bouquins), 1994 (p. 1161)
3. Manou-Tavayé, Oiseau Blanc : de manu, oiseau ; et tava'i'e, blanc. L'existence d'un beach-comber connu sous ce nom est attestée par deux sources distinctes, le révérend Robert Thomson en 1845, et le R.P. Siméon Delmas au début du XXe siècle.
EXTRAIT

La route inconnue qui conduisait vers le bas de la vallée se présentait à moi sous des dehors peu engageants, avec ses crevasses dans le rocher et ses aspérités innombrables. Je m'avançai résolument au bord du précipice, et, à la mode des naturels, je poussai à pleins poumons les cris : « Kaoha te enouha maïtaï ! Bonjour, terre amie ! »

Au bout d'un instant, il me fut répondu de la vallée par quelques hommes que je découvris au loin sur une plate-forme. Ils me faisaient des signes d'appel et me criaient : « Mamaï neï ! Viens ici ! »

Alors je m'élançai dans la fissure du rocher et commençai à descendre lentement, avec beaucoup de peine et de précautions ; car, à chaque instant, il me fallait changer de côté, sauter d'une roche à l'autre à plus d'un mètre de distance, m'accrocher tant bien que mal aux anfractuosités des parois, pour reprendre ensuite mon aplomb et ne pas tomber dans le gouffre ouvert sous moi, à une profondeur qui me donnait le vertige.

J'étais à peine à moitié de la descente qu'il y avait déjà une multitude de Canaques réunis au pied de la falaise pour me recevoir, poussant des exclamations, des haôôôôa, à chacune de mes enjambées. Ils paraissaient enchantés de mon agilité. Après une heure presque d'une gymnastique fatigante et dangereuse, j'arrivai enfin sur la terre que je puis appeler ferme, où tous les Canaques me reçurent avec force démonstrations de joie, aux cris mille fois répétés de : « Kaoha Farani ! »

pp. 134-135

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Souvenirs d'un vieux Normand, récits de ma vie d'aventures et de navigation », Paris : Plon, Nourrit et Cie, 1895

mise-à-jour : 14 septembre 2006

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