Paul Gauguin

Noa Noa, voyage de Tahiti, fac-similé du manuscrit conservé au Louvre

Les Éditions RMN-Grand Palais / Les Éditions du Musée d'Orsay

Paris, 2017

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peintres des îles

Gauguin

parutions 2017
Noa Noa, voyage de Tahiti / Paul Gauguin. - Paris : Les éditions Rmn-Grand Palais, Les Éditions du Musée d'Orsay , 2017. - 204 p. : fac-sim., ill. ; 32 cm.
ISBN 978-2-7118-7076-9
De retour à Paris après un premier séjour à Tahiti, Gauguin met tout en œuvre pour faire connaître son œuvre polynésienne et les circonstances de sa création. C'est dans ce contexte que s'inscrit le projet d'édition de Noa Noa où il relate sa vie au cœur d'une société — dont la splendeur égale à ses yeux une nature somptueuse — mais qu'il juge en pleine déréliction sous la double action de la colonisation et de l'évangélisation.

Pour garantir le succès de l'ouvrage il remet son manuscrit à Charles Morice 1 qu'il charge d'en amender la forme pour l'adapter aux attentes du public. La coopération tarde à produire ses effets et, avant de retourner aux antipodes, Gauguin recopie méticuleusement l'état d'avancement du travail de Charles Morice (allant jusqu'à ménager des pages vierges pour y accueillir illustrations et poèmes encore attendus de son partenaire). Ce manuscrit, retrouvé à Atuona aux Marquises après la mort du peintre 2, est parvenu plus tard entre les mains de George-Daniel de Monfreid qui en fit éditer un premier fac-similé (1927) avant d'en faire don au Musée du Louvre.

La présente édition se distingue des précédentes par la fidélité de la reliure — l'édition effectuée à l'initiative de George-Daniel de Monfreid en 1927 était recouverte de raphia ; quant à l'édition de Stockholm (1947), elle n'a pas été réalisée à partir de l'original et n'atteint pas le niveau de qualité de la précédente.

On peut regretter que cette nouvelle édition se soit bornée, quant à son contenu, aux mêmes objectifs que les deux précédentes. On sait en effet que, de retour à Tahiti, Gauguin avait utilisé les pages vierges du cahier sur lequel il avait recopié le travail de Charles Morice pour y prendre des notes éparses réunies sous le titre Diverses Choses ainsi que l'ébauche d'un essai sur L'église catholique et les temps modernes ; ce dernier a heureusement été publié à l'initiative d'Othon Printz 3. On attend toujours une éditions de Diverses Choses — et, plus généralement, de l'ensemble des œuvres écrites de Gauguin 4.
       
1. La postérité pose un regard sévère sur Charles Morice en raison des conditions et du fruit de sa collaboration avec Gauguin. Mais l'homme n'était pas sans qualité. Avec Ely Halpérine-Kaminsky il a traduit en français, pour la première fois, des œuvres de Dostoïevsky : Nietzsche a découvert l'écrivain russe en achetant dans une librairie niçoise L'esprit souterrain publié chez Plon en 1886. 
2. « Ce manuscrit fut trouvé aux Marquises dans les papiers de Gauguin. M. Vermeersch, receveur des Domaines à Tahiti, en vit la valeur artistique et l'intérêt littéraire. Il écrivit à Daniel de Monfreid qui s'inquiétait de la mise à l'encan de la succession de Gauguin : " Quant aux manuscrits, notes diverses, rien n'est vendu. Deux des plus importants parmi lesquels se trouve le fameux Noa Noa, c'est-à-dire ceux qui mériteraient d'être envoyés en France, ont été remis par moi en dépôt entre les mains de M. Petit, Gouverneur rentrant en France. Il a bien voulu s'en charger pour les remettre à la famille. " Le manuscrit original a été remis au Louvre par Daniel de Monfreid en 1927. » — Catalogue du Musée Gauguin à Tahiti (1966), p. 85
3. Paul Gauguin, « L'église catholique et les temps modernes » texte présenté par Othon Printz, Colmar : Jérôme Do Bentzinger éditeur, 2015
4. Depuis la publication en 1974 d'Oviri, écrits d'un sauvage — où DanielGuérin avait choisi et présenté un florilège de textes de Gauguin — subsiste le besoin d'un recueil « où se retrouverait dans son authenticité et sa totalité l'œuvre écrite de Gauguin » — Claude Mauriac, Le Figaro, 13 juillet 1974.
NOTE DE L'ÉDITEUR : Sitôt rentré en France en 1893, Gauguin, non content d'exposer ses tableaux et sculptures tahitiens, entreprend la rédaction du premier manuscrit de Noa Noa (ce qu'exhale Tahiti).

Pour achever ce récit mêlant réalité et fiction, l'artiste s'attache l'aide du poète et homme de lettres Charles Morice. Le résultat de leur collaboration est le manuscrit conservé au musée d'Orsay : l'artiste recopie l'intégralité du récit, entrecoupé de vivos (poèmes en vers ou en prose) rédigés par le poète, dans un album épais acheté pour l'occasion. S'il conçoit dès le départ Noa Noa, voyage de Tahiti comme un livre « à lire et à regarder », Gauguin ajoute la plupart des illustrations lors de son second séjour tahitien. L'album relié emporté par l'artiste à Tahiti était encore largement incomplet : aquarelles, bois gravés découpés et collés pensés dès le départ pour l'édition du livre, gravures plus tardives rehaussées de couleurs enrichissent son manuscrit, sans pourtant en illustrer directement le texte. À une date inconnue, il décore la couverture d'un fragment d'aquarelle collé directement sur le cuir, accompagné du titre et son sous-titre.

En 1896-1987, il recopie à la suite de ce premier texte son manuscrit pour Diverses choses, où se mêlent textes et images rapportées (photographies, estampes d'Hokusai, caricatures de Forain …).

L'album ne quittera jamais l'artiste : retrouvé dans sa case à Hiva Oa après sa mort en 1903, il est probablement acheminé à Tahiti avec d'autres documents par Victor Segalen, avant de revenir en France, où l'ami Daniel de Monfreid le récupère en novembre 1904. Il l'éditera en 1924 aux éditions Crès, avant d'en faire don à l'État en 1927.

Véritable expérience immersive, ce journal a le parfum du dépaysement, mêlant l'image au texte, comme les genres et les tons. Comprenant dessins et collages, il fusionne le mythe et la réalité, dans le creuset de l'alchimiste qu'est Gauguin.

Le fac-similé qui en est proposé aujourd'hui offre une version aussi fidèle que possible à l'original, en mettant au service de la qualité du rendu les papiers comme les techniques les plus pointues de l'imprimerie actuelle.
       

29 aquarelles, 27 gravures, 9 dessins obtenus par estampage rehaussé de crayon et d'aquarelle, 8 photographies, 5 monotypes à l'aquarelle, 2 dessins à la plume et à l'encre, 1 dessin au crayon, 1 lavis d'encre, 1 illustration tirée d'une revue —
EXTRAIT
Chapitre II
Le conteur parle

… Dites, qu'avez-vous vu ?
Charles Baudelaire
(Le voyage)

    Le 8 Juin, dans la nuit, après soixante jours de traversées diverses — soixante trois jours pour moi de fiévreuse attente, d'impatientes rêveries vers la terre désirée — nous aperçûmes sur la mer des feux bizarres qui évoluaient en zigzags, sur un ciel sombre se détachait un cône noir à dentelles.

    Nous tournions Morea pour découvrir Tahiti.

    Quelques heures après le petit jour s'annonçait — nous approchant avec lenteur des récifs, le cap sur la pointe Vénus nous entrions dans la passe de Papeete et nous mouillions sans avarie dans la rade.

 transcription du feuillet numéroté 26
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Noa Noa, voyage de Tahiti » [fac-sim. du manuscrit du Louvre] éd. par Julius Meier-Graefe, Paris, Berlin : G. Crès et Cie (Presses de Ganymed), 1927
  • « Noa Noa, voyage de Tahiti » [fac-sim. du manuscrit du Louvre], Stockholm : Jan Förlag, 1947
➙ « Noa Noa, voyage de Tahiti » fac-sim. du manuscrit du Louvre éd. par Julius Meier-Graefe (Paris, Berlin : G. Crès et Cie, 1927) — document numérisé par la Bibliothèque scientifique numérique polynésienne.
  • Paul Gauguin et Ch. Morice, « Noa Noa » [extraits], La Revue blanche, vol. XIV | 105 | 15 octobre 1897 | pp. 51-111 ; vol. XIV | 106 | 1er novembre 1897 | pp. 166-190
  • Paul Gauguin et Charles Morice, « Noa Noa », Paris : Editions de La Plume, 1901
  • Paul Gauguin « Noa Noa » [d'après la version publiée par Charles Morice dans La Revue blanche en 1897], Paris : Éd. Mille et une nuits, 1998
  • « Noa Noa » manuscrit inédit reproduit en fac-similé par Daniel Jacomet, Paris : Sagot-Le Garrec, 1954
  • « Noa Noa » éd. Jean Loize, Paris : Club des libraires de France-André Balland, 1966
  • « Noa Noa » éd. réalisée et présentée par Gilles Artur, Jean-Pierre Fourcade et Jean-Pierre Zingg, Papeete & New York : Éd. Avant et après, 1987, 2001
  • « Noa Noa » texte établi et annoté par Pierre Petit, Paris : Jean-Jacques Pauvert, 1988

mise-à-jour : 10 janvier 2018
Noa Noa, fac-similé du manuscrit conservé au Louvre
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